Le Protocole Avortement est un outil exceptionnel dans le cadre de la surveillance des maladies émergentes ! A l’ARSIA, nous avons déjà pu identifier et suivre une série de maladies émergentes et ré-émergentes grâce à l’analyse des échantillons et surtout des avortons récoltés.
En effet, le nombre d’avortements déclarés et l’expertise de nos vétérinaires pathologistes, couplée aux analyses du laboratoire, permettent une surveillance épidémiologique de qualité.
Certains pathogènes sont apparus de manière imprévisible tel le virus de la maladie de la langue bleue ( ou Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) ), de Schmallenberg ou la leptospirose et peuvent être suivis via l’autopsie des fœtus ; l’augmentation du taux de fœtus présentant soit des malformations congénitales soit une coloration jaunâtre sous-cutanée permet d’identifier le début de l’ émergence de l’une de ces maladies et de les suivre dans le temps ( graphique 1 ) et dans l’espace.
Les épisodes de brucellose en 2010 et 2012 sont également un bon exemple de détection précoce de maladies à risque de réémergence, grâce au Protocole Avortement. Lorsque les acteurs de terrain sont attentifs à l’importance de cette surveillance et que les autorités sanitaires la soutiennent, le système fonctionne dans les meilleures conditions possibles. Son maintien est également assuré avec dynamisme et vigilance par les responsables du Protocole Avortement, à l’ARSIA ; en plus des pathogènes déjà évoqués, d’autres sont « attendus » et pourraient donc bénéficier d’une surveillance particulière, plus spécifique. En effet, la planète regorge de maladies à grand potentiel d’émergence et la mondialisation ainsi que le commerce facilitent leur propagation.
Exemple d’une maladie à haut risque d’émergence
La Maladie Hémorragique Epizootique ( EHD ) est connue depuis les années 50, lorsqu’elle a causé la mort de centaines de cervidés sauvages au Etats-Unis. Cette maladie virale affecte les ruminants provoquant des symptômes similaires à ceux de la FCO comme nous le verrons ci-après. De même elle est transmise par des insectes ‘culicoïdes’. Si la plupart des ruminants sont sensibles à la maladie, certaines espèces le sont plus ou moins selon le sérotype infectant. Jusqu’il y a peu, comme en atteste la carte ci-contre, la maladie se cantonnait aux frontières de l’Europe, sévissant en Afrique, sur le pourtour méditerranéen.
Pourquoi en parler aujourd’hui ?
Depuis novembre 2022, des foyers ont été mis en évidence dans le sud-ouest de l’Espagne chez des bovins ainsi qu’en Sardaigne chez des cervidés domestiques. En Espagne, la proportion d’animaux malades est de 10 à 15 % avec une très faible mortalité (1 %). Des restrictions de mouvements ont été mises en place pour limiter la propagation de la maladie.
Néanmoins, comme il s’agit d’une maladie vectorielle, ces mesures risquent fort de ne pas être suffisantes pour empêcher progressivement sa diffusion vers les autres régions limitrophes. Il semble donc pertinent de se préparer afin de ne pas être pris au dépourvu si la maladie s’introduisait en Belgique.
Comment l’identifier chez les bovins ?
Après l’infection du bovin suit une période d’incubation de 2 à 10 jours avant l’apparition des signes cliniques. Chez les bovins, l’EHD ne peut être distinguée cliniquement d’une infection par le virus de la FCO : fièvre, anorexie, salivation et difficultés de déglutition, œdèmes, saignements, ulcérations autour de la bouche et sur le pied ,… Les animaux gestants peuvent avorter et des lésions du système nerveux ( hydrocéphalie, etc. ) sont potentielles chez le fœtus lors d’infection entre les 70ème et 120ème jours de gestation. Chez les adultes, l’issue de la maladie n’est le plus souvent pas fatale.
En cas d’apparition de signes cliniques suspects, seules des analyses de laboratoire permettront de diagnostiquer l’EHD, avec une mise en évidence du virus par PCR ( organes ou sang complet ) ou des anticorps par ELISA ( sérum ).
L’ARSIA et son laboratoire surveillent de près cette maladie et son évolution et collaborera avec les autorités sanitaires si elle venait à s’approcher de nos frontières…